Un plan massif d’électrification : ultime outil de puissance et seule voie pour la France et l’Europe

Coincée entre la Russie de Vladimir Poutine et l’administration Trump aux États-Unis, l’Europe et particulièrement la France n’ont plus le luxe de l’immobilité énergétique. La guerre russo-ukrainienne a fermé les robinets du gaz et du pétrole russes, et l’approche transactionnelle de l’administration Trump, qui va consister à choisir entre des taxes douanières à l’entrée du marché américain ou l’achat massif de pétrole et de gaz de schiste américain, doit pousser notre pays à sortir de son état de somnolence stratégique.

L’électrification, enjeu de souveraineté et de récit national

Aujourd’hui, 60 % de notre mix énergétique repose encore sur des ressources fossiles importées, une fragilité qui expose notre pays à des chocs exogènes et à une dépendance économique et géopolitique inacceptable. La seule réponse crédible repose sur un plan massif d’électrification des usages, conduit par la France à l’échelle nationale et européenne, et porté par les énergies renouvelables ainsi que par un savoir-faire nucléaire français unique au monde. La France, et avec elle l’Europe, doit réaliser que c’est dans l’électrification de sa mobilité, de son industrie, de ses usages domestiques que se situe sa capacité de puissance. Puissance économique, de croissance, de compétitivité, de création d’emplois ; puissance géopolitique, qui ne peut être bâtie que sur une réelle indépendance énergétique ; puissance culturelle et sociale, car, in fine, c’est bien le rayonnement de notre pays dans le concert des nations qui est mis en jeu dans la trajectoire de vassalisation et de déclassement qui attend notre pays s’il continue à se complaire dans l’inertie.

Nous appelons à la mise en œuvre d’un vaste plan d’électrification dans notre pays et plus largement, porté par la France au sein de l’Union Européenne.

Les énergies renouvelables électriques, comme le photovoltaïque ou l’éolien sur terre comme en mer, en seront la clef, tout comme le savoir-faire électronucléaire unique de notre pays. Nous disposons des compétences, de l’excellence et de l’ensemble des ressources, comme le soleil et le vent, pour remplacer dans une grande proportion notre dépendance aux énergies fossiles par opportunité de renouveau pour le Vieux Continent. L’histoire nous apprend que le progrès social et économique est toujours le fruit d’une vision, d’un récit collectif qui mobilise, qui fédère, qui rassemble, parce qu’il est tendu vers des lendemains meilleurs. Voilà l’essence de ce plan massif d’électrification de nos usages.

Mais cette vision ne prendra corps que dans une économie où l’énergie est abondante et peu chère. La révolution industrielle et la massification des énergies fossiles fut une de ces périodes dont nous payons aujourd’hui le prix, tant climatique qu’économique ou géopolitique. Aujourd’hui, les renouvelables électriques et le nucléaire sont des énergies abondantes et bon marché. Combinées à la robustesse de notre système électrique, de notre réseau et des possibilités qu’offrent les flexibilités, le stockage et la conversion hydrogène, elles donnent corps à ce plan d’électrification.

La souveraineté n’existe que dans le mouvement. Chacun sait que la souveraineté ne se décrète pas, elle se bâtit sur des faits, une compression d’un contexte qui fonde une vision. La France l’a déjà fait, elle peut le refaire.

L’accompagnement social et économique de l’électrification des mobilités et des usages de l’industrie et, plus largement, de l’économie sera le ciment de cette vision partagée qui nous rassemblera une nouvelle fois, animés par un objectif commun, tourné vers notre avenir et non le fantasme de notre passé. Nous devons ensemble recommencer à penser que demain sera mieux qu’hier. Voilà de quoi ce plan massif d’électrification doit être l’outil.

Alors que la forêt du monde semble s’assombrir, le brun cherchant à étouffer la lumière dont la France est fille, ce plan massif d’électrification n’est pas seulement un levier économique ou technologique, c’est un projet de société. Il est temps, enfin, de remettre notre pays et notre continent en mouvement, sous peine de vivre des décennies de déclassement, d’appauvrissement, de crises et de drames. Voilà de quoi ce plan massif d’électrification doit être le remède.

Ce plan massif d’électrification pourrait reposer sur 6 piliers fonctionnant en synergie 

1. Croissance, compétitivité, investissement : la mise en cohérence de notre fiscalité et de nos objectifs créant ainsi les conditions favorables et les avantages comparatifs de cette économie de l’électrification : un crédit d’impôt réorienté vers les industries qui électrifient leur processus de production ainsi qu’un fonds souverain dédié au financement des technologies stratégiques (batteries, réseaux intelligents, hydrogène vert).
   
   
2. Un accompagnement direct aux ménages pour l’équipement électrique : pour soutenir les foyers, en commençant par les plus modestes, dans l’électrification de leurs mobilités et de leurs usages domestiques. De même, soutenir, avec un vrai objectif de conversion, l’isolation des logements, l’évolution des équipements domestiques pour sortir nos logements des énergies fossiles.
   
   
3. Rendre l’électricité plus attractive en créant un tarif de l’électricité qui prend en compte les avantages de la production renouvelable, pour permettre de dégager des kWh quasi gratuits aux heures de pleine production : la France doit garantir un prix de l’électricité prévisible et abordable pour les industriels comme pour les particuliers, en élargissant la plage des heures creuses aux moments de forte production et en s’appuyant sur des contrats d’achat à long terme (PPA) et en sécurisant les investissements dans le nucléaire et les énergies renouvelables.
   
   
4. Lancer un large plan France stockage pour déployer sur le réseau national les batteries qui nous permettraient de stocker l’électricité produite et de la réinjecter au moment de forte consommation : Cette transition, investir dans le stockage et les flexibilités, positionnera la France en pointe sur le pilotage de sa production et de sa consommation et renforcera son économie en l’affranchissant de la volatilité des prix des énergies fossiles importées. Car pour n’importe quel économiste, il est évident que la maitrise et la prévisibilité des coûts d’énergie est un avantage compétitif déterminant dans une économie de marché mondialisée.
   
   Pour assurer la résilience de notre mix électrique, France renouvelables estime ainsi que le stockage par batteries devra couvrir un minimum de 12 GWh/jour en 2030 et 22 GWh/jour en 2035 pour garantir la fourniture d’une électricité décarbonée et compétitive aux heures de pointe de consommation, pour contribuer à résorber les phénomènes de prix négatifs, et limiter les variations de production des actifs historiques.
   
   France renouvelables recommande de définir dans la PPE, aux côtés des STEP, les besoins en flexibilités décarbonées, et notamment des objectifs de stockage par batteries de l’ordre de 8GW en 2030 et 12,5 GW en 2035. Ce signal est essentiel si la France veut se positionner au cœur de marché européen et ouvrir la possibilité à des investissements industriels de production de cellules de stockage sur son territoire, avec les emplois, la fiscalité et les chaines de valeur locales associés.
   
   
5. Un grand plan de formation et de reconversion professionnelle : l’électrification de notre économie va créer des centaines de milliers d’emplois. Les filières de formation vont créer des cursus dédiés, permettant aux nouveaux entrants un taux d’employabilité décuplé. La transition des emplois doit également être au cœur de ce plan d’électrification. De nombreuses compétences sont déjà fortement convergentes dans nombre de secteurs (industrie, automobile, maintenance, gestion de marché, ingénierie, commerce, etc.). Ce plan de formation devra renforcer cette convergence pour que chacune et chacun puisse se former et s’inscrire dans ce vaste mouvement « d’électrification deal ».
   
   
6. Une politique européenne alignée sur nos intérêts stratégiques : La France devra peser au niveau européen pour faire sortir notre continent de l’état de stupeur dans lequel il semble se trouver suite à l’orientation russe et américaine. En quête de leadership industriel et économique, l’Union européenne a présenté à ce sujet, son Clean Industrial Deal (CID), notamment sous l’impulsion de la France, propice à une transformation industrielle qui combinera décarbonation et compétitivité. Afin de concevoir un modèle économique solide pour la transition vers une industrie propre, le Clean Industrial Deal s’articule autour de six leviers stratégiques : une énergie abordable, des marchés pilotes, des solutions de financement, la recyclabilité et l’accès aux matériaux critiques, l’expansion des marchés mondiaux et des partenariats, ainsi que le développement des compétences.
   

Un des puissants remèdes au risque de déclassement de notre pays est désormais clair et identifié. Il passe par ce plan massif d’électrification, levier de souveraineté, de croissance et de rayonnement pour notre pays et pour l’ensemble de nos concitoyens. Un pays résolument tourné vers son avenir, mu par une vision partagée, avec la conviction que demain sera meilleur qu’hier. Le progrès, est toujours le fruit d’un récit collectif qui mobilise et non isole, qui fédère au lieu de fracturer. Allons-nous enfin entrer en résistance contre le déclin annoncé ? La France l’a déjà fait, les Français peuvent le refaire.