La perte de souveraineté énergétique de la France est d’abord le reflet de notre extrême dépendance aux sources d’énergie fossiles et fissiles importées. Dans le même temps, les gouvernements successifs n’ont pas suffisamment pris la mesure de l’utilité de la diversification de notre mix électrique en sous estimant les difficultés industrielles de la filière nucléaire, les effets du réchauffement climatique et les tensions géo-politiques croissantes.
Produire en France : un enjeu national pour protéger les Français
En 2022, le taux d’indépendance énergétique de la France était en forte baisse de 4,8 % pour s’établir à 50,3 %. Si l’année 2023 permet à la France de retrouver un peu plus de marge avec un taux de 51,9% au 2ème trimestre 2023, notre pays a tout intérêt à accroitre ses moyens de production sur son sol le plus rapidement possible.
La facture énergétique de la France a ainsi quasi triplé en 2022, pour s’établir à 116, 3 milliards d’euros : un niveau jamais enregistré depuis le début des années 70. La facture gazière est passée de 5,2 milliards d’euros en 2020 à 13,3 milliards d’euros en 2021 pour tripler en 2022, s’établissant à 46,7 milliards d’euros. L’augmentation est encore plus spectaculaire pour la facture pétrolière et en biocarburants, en hausse de 79 %, qui représente selon le SDES « la moitié de la facture énergétique totale ».
Sans augmentation des énergies renouvelables, qui représentent désormais 26 % de la production d’énergie primaire en France en 2022, la facture aurait été encore plus salée. Rappelons que pour les ménages l’énergie représente 9% de leur budget total en 2021.
Les énergies renouvelables : comment sortir la France de sa dépendance énergétique.
Pour réduire cette dépendance aux énergies fossiles et mieux protéger les Français des fluctuations de prix qu’elle engendre, les énergies renouvelables sont aujourd’hui les seules énergies permettant à la France d’accroitre ses capacités de production d’électricité bas-carbone dans les 15 prochaines années. La filière nucléaire a annoncé que les nouvelles centrales EPR2 ne seront pas opérationnelles avant l’horizon 2035/40 pour la première paire. L’éolien et le solaire terrestre avec l’éolien en mer sont actuellement les technologies les plus rapides à construire. Un chantier dure environ entre 6 et 24 mois pour ces énergies.
En attendant l’arrivée des nouveaux réacteurs nucléaires après 2035, RTE dans son Bilan provisionnel 2023 table sur une accélération massives des énergies renouvelables : d’ici 2035, il faut « viser au minimum une production d’électricité renouvelable annuelle de 270 TWh (contre environ 120 TWh aujourd’hui) et si possible de 320 TWh », estime RTE. « Plusieurs rythmes d’accélération des différents moyens de production renouvelables ont été testés mais freiner sur l’un (solaire, éolien terrestre et offshore) oblige à accélérer d’autant sur les autres, tout en réduisant les marges ».
Relocaliser les moyens de productions pour assurer notre souveraineté énergétique
Aujourd’hui la Chine représente 60% de la chaîne de valeur mondiale des technologies bas-carbone. Elle détient 74% des sites de production mondiaux de batteries au lithium et 75% de la production des cellules photovoltaïques. Pour l’éolien, l’Europe assure déjà plus de 85 % de la production éolienne et la France détient par exemple 1/3 des capacités de production Européenne pour l’éolien en mer. Avec un objectif ambitieux de plus de 42,5% d’énergies renouvelables dans la consommation finale brute d’électricité de l’UE en 2030, l’Union Européenne doit désormais mobiliser tous les leviers possibles pour consolider, accroitre et développer ces filières industrielles.
C’est dans ce cadre qu’une stratégie de long terme a été publiée en février 2023 par l’Union Europpéene : le Pacte Vert. Ce plan industriel est une réponse européenne à la loi sur la réduction de l’inflation des Etats-Unis (Inflation Reduction Act) et vise notamment à favoriser les technologies “vertes” ou l’approvisionnement en matières premières.
Selon le rapport de Strategic Perspectives, les décisions prises permettraient par exemple au solaire et à l’éolien de fournir 55% de l’électricité consommée par les Européens d’ici 2030 et de pouvoir produire sur le sol européen 40% des technologies vertes dont nous aurons besoin d’ici à 2030. Si ces décisions vont dans le bon sens elles ne pourront être mises en oeuvre sans de lourds investissements de la part des pays membres. La commission Européenne estime que 92 milliards d’euros seront nécessaires pour construire une base industrielle solide en Europe.
Les français entendent parler de réindustrialisation depuis plus de 15 ans, alors que notre pays ne cesse de perdre ses usines, ses emplois et ses compétences au profit d’autres grands blocs économiques qui investissent fortement sur l’industrialisation des technologies vertes (ex : Inflation Réduction Act aux USA).
La transition énergétique, la réindustrialisation et la souveraineté, sont les facettes d’une même pierre au combien précieuse.! D’autres grands blocs économiques (ex : USA, Chine) l’ont parfaitement compris.
Qu’attendent la France et l’Europe pour pivoter et passer d’un modèle de dépendance et d’émission de CO2 où les énergies fossiles imposent leurs conditions aux gouvernements, à un modèle de souveraineté, de maitrise et de soutenabilité tant économique qu’écologique ? La question reste à ce jour posée, malgré quelques récentes initiatives encourageantes autour par exemple du Net Zero Industry Act au niveau européen ou du crédit d’impôt sur les investissements industriels en France.